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Last update: 07/10/2023

INFORMATIONS SUR LE PROGERIA


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Vieillissement : un espoir contre la progéria: Paul Molga / Correspondant à Marseille, le 03/07/2017, Les Echos.Fr : cliquez ici

La découverte d’une voie possible de traitement de cette maladie incurable ouvre de nouvelles perspectives dans le ralentissement de la vieillesse.

Le généticien Nicolas Levy annonce ce lundi dans la revue « EMBO Molecular Medicine » une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes du vieillissement. Ce chercheur de l’Inserm travaille sur les maladies neuromusculaires à l’hôpital de la Timone à Marseille. Il a découvert le gène responsable de la progéria, une mutation génétique rare qui accélère le temps chez un enfant sur 10 millions. Il y a quelques années, Nicolas Levy en avait déjà décrit les mécanismes d’expression. Cette fois, c’est au coeur de la cellule que son équipe du laboratoire de génétique médicale et génomique fonctionnelle s’est plongée pour comprendre comment la protéine responsable de ce syndrome échappe à tout contrôle de l’organisme.

« Chez les enfants qui en sont victimes, la cellule fabrique cette protéine toxique qui s’accumule en excès dans le noyau. Elle empêche la reproduction cellulaire, réduit la production des protéines de soutien des tissus sous-cutanés (collagène, élastine et autres fibres structurant le derme) et freine les mécanismes de réparation du matériel génétique », explique Nicolas Levy. Ses effets sont désastreux : les fonctions cérébrales sont épargnées, mais la peau, les cheveux, les articulations, le tissu adipeux, le système cardiovasculaire et les os se dégradent dix fois plus rapidement que la normale. Sous le microscope, le noyau cellulaire d’un enfant de treize ans atteint de progéria apparaît aussi fripé que celui d’un senior de quatre-vingt-seize ans. C’est en moyenne à cet âge que survient le décès, généralement causé par un infarctus.

On sait maintenant pourquoi. Le premier mécanisme découvert par l’équipe marseillaise implique la protéine PML. Cette structure, présente chez tous les mammifères, remplit un certain nombre de fonctions dans la cellule, dont la stabilité du génome et le contrôle de la mort cellulaire programmée, ou apoptose, qui débarrasse quotidiennement l’organisme d’un adulte d’environ 60 milliards de cellules pour permettre leur renouvellement. Dans le processus de vieillissement éclair, la PML pourrait être impliquée dans l’accumulation de la progérine, la protéine à l’origine du syndrome… mais aussi du vieillissement naturel, quand elle est produite en conditions normales. « Nos données fournissent des preuves que la progérine des enfants malades est séquestrée par la PML dans des structures semblables à des anneaux », écrivent les auteurs de l’article. Elle échapperait ainsi au mécanisme de drainage intracellulaire qui dégrade habituellement les protéines trop vieilles ou anormales.

Autophagie

Plusieurs structures participent à ce nettoyage qui s’opère à l’aide d’enzymes, comme dans une machine à laver. Un de ces complexes de dégradation est le protéasome, qui fonctionne schématiquement en deux étapes avec une autre enzyme, l’ubiquitine : celle-ci étiquette d’abord la protéine à éliminer pour permettre à la première de la reconnaître et la transformer en peptides inactifs. Protégée (sans qu’on sache encore pourquoi) par la protéine PML, la progérine ne peut pas être étiquetée.

L’équipe du professeur Levy a trouvé une parade : elle utilise une molécule (MG132) qui inhibe le protéasome. Un autre mécanisme de dégradation intracellulaire prend alors les choses en main : l’autophagie, un processus de régénération de la cellule dont la mise en lumière a valu le Nobel 2016 de médecine au professeur Yoshinori Ohsumi. Ici, pas besoin d’étiquetage. En laboratoire, les cellules d’enfants atteints de progéria sont nettoyées en vingt-quatre heures… Mieux encore, la même molécule diminue très fortement la production initiale de progérine en s’attaquant à une autre protéine (SRSF1) impliquée dans les mécanismes de prolifération, notamment tumorale. « Nous avons donc identifié une famille de molécules jusqu’alors inexploitée qui permet non seulement de diminuer très fortement la production de progérine, mais aussi et simultanément de l’éliminer », résume Nicolas Levy.

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet associant Aix-Marseille Université, l’Inserm, de l’AFM-Téléthon, le CNRS et la biotech ProGeLife, dont les principaux actionnaires sont Nicolas Levy et le biologiste Pierre Cau, chef de service de biologie cellulaire à l’hôpital de la Timone et codécouvreur du gène de la progéria. D’ici à la fin de l’année, cette start-up ambitionne de lever 6 millions d’euros pour lancer les essais cliniques de phase I et II, et conclure un partenariat de recherche avec un grand laboratoire.

Les travaux de recherche sur la progéria ont démarré en 2003 avec la découverte de la séquence génétique responsable de la mutation. L’équipe de Nicolas Levy a identifié depuis trois possibilités thérapeutiques. D’abord, réduire la toxicité de la progérine. En 2008, un essai clinique a été mené chez 12 enfants atteints de progéria. Le traitement utilisé repose sur la combinaison de deux molécules qui interviennent pour bloquer le processus et stimuler le renouvellement des cellules (dont les cellules souches) : l’oméga statine et le Z-dronate, déjà prescrits dans d’autres indications – prévention des risques cardiovasculaires pour la première, ostéoporose pour l’autre. Les résultats seront publiés avant 2018. Ils devraient indiquer un ralentissement de la maladie.

La deuxième piste explore la baisse de production de la progérine. Sur des souris génétiquement modifiées, les chercheurs ont testé une molécule antisens, c’est-à-dire une séquence d’ADN exactement contraire à la séquence mutante découverte en 2003. « Les souris traitées par cette technologie de blocage ont vu leurs symptômes diminuer et leur espérance de vie passer de 155 à 190 jours », explique Nicolas Levy. Un essai sur l’homme est envisagé pour 2019.

La troisième voie proposée par la publication d’aujourd’hui va plus loin. « La progéria est un modèle unique pour comprendre des mécanismes majeurs du vieillissement naturel, car il a été montré que la progérine s’accumule progressivement dans les cellules normales », poursuit le professeur. A partir des trois molécules identifiées, son équipe va maintenant travailler sur d’autres maladies rares proches, mais également sur certaines formes de cancer, ainsi qu’en cosmétologie, pour la production de sérum anti-âge.

Paul Molga

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